Dimanche 31 août

À la gare, je déniche un ticket de bus pour Laâyoune, départ le lendemain à 10h.

 

Peu désireux de rester devant la télé chez les Berbères, et la tête encore lourde des excès de la veille, je m’attarde en ville, y découvre enfin la saveur des fruits du cactus – texture crémeuse et dorée qui évoque la mangue – ainsi que la redoutable ténacité des vieilles mendiantes d’Agadir, et bientôt l’atmosphère si fraîche et apaisante des jardins d’Olhão après avoir distancé les mendiantes en question.

 

Le soir, par je ne sais quel prodige, nous voilà de retour au « Camel’s Café ». Par bonheur, et surtout parce que je suis au bord de la crise cardiaque, nous n’y faisons pas long feu. Houcine et moi partons nous balader le long des plages. Il me raconte ses problèmes d’argent, et à quel point il abhorre la vie qu’il mène ici. Pour lui, le salut ne peut se trouver qu’au Royaume-Uni – quitte à conclure un mariage blanc ; il est justement plongé dans d’obscures tractations avec une jeune Anglaise rencontrée quelques mois plus tôt.

 

Samir et Magda nous rejoignent dans une buvette. L’ami de Houcine n’a pas le moral, lui non plus, car son contrat de travail à l’hôtel vient de prendre fin ; il va donc devoir cumuler divers petits boulots sous-payés jusqu’à l’été prochain. Magda lui fait entendre (par traducteur interposé) qu’il pourrait venir en Pologne avec elle, et jouer les cuistots dans un resto marocain ; mais personne n’est trop convaincu. Seuls viennent flotter un instant, au-dessus de notre petite table graisseuse, quelques fragments de rêves en toc, mêlés à des relents de friture.

 

Magda nous parle de ces jeunes Marocains qui la pourchassent de leurs assiduités, chacun lui jurant être tombé fou amoureux d’elle après cinq minutes de conversation. « On les appelle des Beach Boys », lui apprend Houcine – des jeunes qui ont arrêté leurs études pour consacrer toute leur énergie aux vacancières qui pourraient éventuellement leur offrir, à eux aussi, une porte de sortie…

 

Pour chasser nos idées noires, nous nous rendons à la salle de billard la plus proche, pour une partie épique — comme toujours, splendide occasion pour moi de me ridiculiser — puis rejoignons Fayçal pour une nouvelle virée à grande vitesse, de nouvelles vapeurs, un nouveau retour tardif. Très tardif.