Lundi 8 septembre

Je commence à comprendre l’écosystème dans lequel on m’héberge. Bouba vit chez Maïka en permanence, bien que tous deux ne soient que simples amis ; en termes communs, on parlerait d’incruste – et en termes biologiques, de parasitage. Etrange symbiose naturelle, en vérité : Maïka semble satisfaite d’avoir chez elle quelqu’un facilitant son intégration au voisinage, tandis que Bouba se trouve nourri et logé aux frais de la princesse tout en bénéficiant du service grincheux mais inconditionnel, à toute heure, d’une petite bonne chargée de la vaisselle comme du ménage, entre autres. Bouba, ravi, distribue ses ordres depuis un fauteuil, en parlant comme à un chien à la fille mutique.

 

Le garçon ne nourrit aucun complexe apparent vis-à-vis de son comportement de sangsue, sans doute parce qu’il a trop longtemps été guide touristique. Bien qu’il clame haut et fort les vertus de l’hospitalité désintéressée, il n’y a pratiquement rien qu’il fasse sans attendre quelque chose en retour. Certes, il me conduit où que je doive aller, mais je dois lui payer tous ses repas ; je peux me servir de son téléphone portable, mais d’abord lui en recharger le crédit, etc.

 

Mais le plus gênant reste son aptitude proprement désarmante à se montrer sympathique et serviable, ce qui me fait constamment douter du bien-fondé de mes soupçons, et lui permet jusqu’à la fin d’éviter la confrontation. Je n’ai rien contre le paiement d’un service rendu, mais je ne voyage pas pour être dépendant de quelqu’un qui attend une rémunération pour ses services : aucun de mes précédents hôtes, au cours de ce voyage, quelles qu’aient été ses finances, n’a fait preuve de la moindre ambiguïté de cette sorte.

Grincements de dents.