Mardi 9 septembre
Mon dernier jour dans la capitale du Mali ; le bateau vers l’Est part ce soir. Je rôde en ville, accompagné de l’inévitable guide, et prends enfin le temps d’observer Bamako. Par endroits, de superbes meubles sont disposés à même la boue des trottoirs, faute de vitrines : luxueux fauteuils, canapés, montants de lit, artistiquement ornementés et sûrement destinés à cette frange de la population profitant le plus du maigre développement du pays.
Quelques heures plus tard, je me rends à la gare routière et quitte la capitale sans trop de regrets. Le bus m’emmène à Koulikoro, où se trouve l’embarcadère de la Compagnie Malienne de Navigation. C’est un petit village aux arbres peuplés d’oiseaux, pour les uns, et de chauves-souris pour les autres – bruits d’apocalypse, nuées de formes ailées survolant le petit embarcadère où patiente déjà le gros navire bleu et blanc.
Des marchands de fruits, gâteaux, brochettes, seaux en plastique chinois, peluches et autres sont déjà à pied d’œuvre. Je suis très en avance et me promène de proue en poupe, de bâbord en tribord. Pour l’heure, je suis seul dans ma cabine de 3e classe, aux douze lits superposés. Flopées de gamins hilares qui insistent tous pour faire ma connaissance. Peu à peu tombe la nuit, arrivent des bus emplis d’étudiants, s’anime la foule, satinée dans l’obscurité bouillonnante, rires, jurons et montagnes de colis à charger.
Cela fait déjà un bon moment que j’ai placé ma montre au fond de mon sac – depuis mon arrivée à Laâyoune, je crois – depuis la dernière partie chronodépendante de mon voyage. Désormais je suis à l’heure véritable de l’Afrique, une heure qui se lit dans le soleil et le bon vouloir de chacun. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde : alors que nous levons l’ancre, un Malien se tourne vers moi en me montrant son poignet dans l’obscurité. « Il est 22h02 : nous partons pile à l’heure. »