Mercredi 10 septembre

Bavardages avec maints passagers, dont Bwa, originaire de Tombouctou, grand amateur de contes et légendes ; encore étudiant, veut devenir instituteur. Il m’apprend des rudiments de bambara.

 

Escales très hautes en couleur. Je découvre les petits bouts de bois que chacun mâche ici pour se nettoyer les dents, processus générant force crachats. Montent d’autres Blancs, que j’évite pour l’heure.

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Malheureusement, le bateau sur lequel je suis n’ira pas jusqu’à Gao, comme je l’espérais, mais s’arrêtera à Tombouctou. On me dit que nous arriverons là-bas samedi, donc au bout de trois ou quatre jours de traversée ; en voiture, Tombouctou est à peine à une journée de route de Bamako…

 

Mais le sacrifice temporel en vaut largement la chandelle. Les rives se déroulent de part et d’autre comme des spectrogrammes sonores, hérissés parfois de palmiers, manguiers, arbres sacrés dont j’ai oublié le nom, arbres dénudés au milieu de l’eau et couverts d’aigrettes blanches qui chargent les branches comme des fruits agités et piaillants. Vastes prairies herbeuses posées à même la surface, où glisse parfois la silhouette infiniment gracieuse d’une pirogue, comme une parenthèse qui fendrait les flots.

 

Par-dessus tout, c’est l’immensité de ce fleuve qui me sidère. Ses rives sont presque totalement inhabitées, si l’on excepte quelques cases en banco, de loin en loin. En lieu et place du foisonnement d’activité auquel je m’attendais, la majesté de l’espace et du silence.

yeu