THE MIDNIGHT RAMBLER
Dans le métro, station oubliée. Fatigue d'une journée qui touche à sa fin après beaucoup de marche et de regards stupéfaits levés vers le ciel, ou du moins le sommet des gratteurs de ciel, qui doivent avoir pas mal de plomb sous les ongles. Nous attendons le métro depuis longtemps mais toujours rien, les gens arrivent de plus en plus nombreux et bientôt tous les sièges sur le bord de la voie sont occupés. À côté de moi, une famille latino, nombreux enfants, père corpulent à casquette (lunettes ?). Chaleur lourde, comme toujours dans les stations — les trains sont, au contraire, d'une température propre à la conservation réfrigérée de tous produits laitiers ou alcools forts ; la survie des passagers soumis à ce redoutable choc thermique, elle, est facultative.
Un cri éraillé retentit au fond de la station, comme un coup de clairon, une mise en garde. S'avance un grand vieillard très maigre, au crâne déjà passablement dégarni et au visage émacié, rougeâtre. Lunettes de soleil relevées sur le crâne. Barbe de plusieurs jours, poivre et sel. Porte une sorte de gilet sans manches bleu sombre, et plusieurs foulards à pois colorés noués autour du cou (foulards en soie ?) ; pantalon de sport en coton vert assez épais, chaussettes blanches, chaussures de sport noires à velcro d'allure neuves.
Le vieillard se campe sur ses deux jambes, légèrement fléchies, comme pour un duel, mais l'arme qu'il dégaine est un harmonica, qu'il porte à sa bouche. Il souffle dedans d'un air féroce, entrecoupant la musique de son chant rauque et agressif. À intervalles réguliers, il s'avance dans notre direction et se plante de nouveau entre la voie et le mur, au beau milieu, d'un air de défi. Arrivé à la hauteur de notre banc, il fixe des yeux à tour de rôle chacun de nous, les assis, tout en continuant à chanter. Lorsque son regard tombe sur moi, je m'efforce de ne pas sourciller, et ne détourne pas les yeux. Il fait de même. Pendant une bonne minute, peut-être, il poursuit son chant infernal, agrémenté de gestes durs, et nos regards se tiennent rivés l'un dans l'autre.
Finalement le métro arrive, et le vieillard me perd de vue. Il ne s'arrête pourtant pas de chanter ou de jouer de son harmonica, semble hésiter, finalement rentre dans le wagon à son tour. Assis, les yeux clos, il souffle une nouvelle mélodie, plus mélancolique, avant de glisser son harmonica dans sa chaussette et de rabattre son pantalon par-dessus. Il fixe le sol des yeux, coudes sur les genoux, l'air assez ravagé, jusqu'à la fin de son trajet.
Il chantait "Midnight Rambler", des Rolling Stones :
Did you hear about the
midnight rambler
Everybody got to go
Did you hear about the midnight rambler
The one that shut the kitchen door
He dont give a hoot of warning
Wrapped up in a black cat cloak
He dont go in the light of the morning
He split the time the cockrel crows
Talkin about the midnight gambler
The one you never seen before
Talkin about the midnight gambler
Did you see him jump the garden wall
Sighin down the wind so sadly
Listen and youll hear him moan
Talkin about the midnight gambler
Everybody got to go
Did you hear about the midnight rambler
Well, honey, its no rock n roll show
Well, Im talkin about the midnight gambler
Yeah, everybody got to go
Well did ya hear about the midnight gambler?
Well honey its no rock-in roll show
Well Im talking about the midnight gambler
The one you never seen before
Oh dont do that, oh dont do that, oh dont do that
Dont you do that, dont you do that (repeat)
Oh dont do that, oh dont do that
Well you heard about the boston...
Its not one of those
Well, talkin bout the midnight...sh...
The one that closed the bedroom door
Im called the hit-and-run raper in anger
The knife-sharpened tippie-toe...
Or just the shoot em dead, brainbell jangler
You know, the one you never seen before
So if you ever meet the midnight rambler
Coming down your marble hall
Well hes pouncing like proud black panther
Well, you can say i, I told you so
Well, dont you listen for the midnight rambler
Play it easy, as you go
Im gonna smash down all your plate glass windows
Put a fist, put a fist through your steel-plated
door
Did you hear about the midnight rambler
Hell leave his footprints up and down your hall
And did you hear about the midnight gambler
And did you see me make my midnight call
And if you ever catch the midnight rambler
Ill steal your mistress from under your nose
Ill go easy with your cold fanged anger
Ill stick my knife right down your throat, baby
And it hurts!
THE MANIC STREET PREACHER
Union Square, la nuit. Un prêcheur très inspiré
"enflamme" la place. Certes, les gens à qui il
propose son micro en profitent pour passer des
petites annonces à caractère sentimental, et
d'autres dans le public — comme ce vieux monsieur
noir très remonté — exigent de lui qu'il se
prononce sur le résultat des élections
présidentielles en novembre... Pourtant, je ne
doute pas que la voix de ce saint homme fera
chavirer votre cœur et vous remettra dans le droit
chemin. ÉCOUTER