... et qu'une seule bande-son, celle qui y est
associée dans le film.
Le métro qui nous y amène doit traverser tout
New-York, bien plus vaste en réalité que sur les
cartes aux échelles truquées affichées dans le
wagon. Mais le soleil est radieux, et Brooklyn
d'allure si chaotique et ravagé dans la lumière le
long des rails que je ne peux m'empêcher de
mitrailler ces murs perdus et décrépis, parfois
envahis d'une végétation si luxuriante qu'on se
croirait quelque part entre Kowloon et Canton. La
rame se vide petit à petit, et nous sommes bientôt
seuls avec un vieil homme somnolent qui regarde mon
appareil photo avec méfiance ; il a raison : je
profite d'un moment d'inattention pour lui tirer le
portrait.
Le
parc d'attractions est à la dérive, et ça se sent.
Odeur de suranné, tout est à moitié patraque et
défraîchi. Du monde encore, pourtant, et des
marchands de glace enfermés dans des camions
émettant cette petite musique
sucrée sans
doute conçue pour attirer les enfants et qui,
répétée en boucle à l'infini, doit rendre
gravement psychotique une proportion conséquente
desdits vendeurs de glaces.
En tous cas, pas le genre d'endroit pour une
clientèle huppée. Surtout des latinos et des blacks
de Brooklyn. La plage est immense, et suffoque dans
le silence épais du soleil et du sable, où le son
meurt vite.
Une
sorte de jetée en bois s'avance d'une centaine de
mètres à l'intérieur des flots : c'est celle qui
apparaît dans le film. Ce jour-là, elle est pleine
de gens venus profiter du soleil, rêver, dormir, et
surtout pêcher. Sous nos yeux, quelqu'un tire de
l'eau un gros poisson rouge aux nageoires
étrangement préhensiles, et le relâche. Un petit
garçon l'observe gravement.
Promenade.
Cerf-volant échoué sur des barbelés. Barres de HLM
aux fenêtres desquelles flottent parfois un drapeau
porto-ricain (cubain ?). Je pense à
Palavas-les-Flots. Murs sur lesquels on appelle à
la paix dans la guerre des gangs. Effarant système
sonore embarqué dans un gros SUV en stationnement,
dont les infrasons me secouent la cage thoracique à
vingt mètres de là. J'aperçois un petit garçon à
l'intérieur, seul. Épiceries pas cher. Quelques
enseignes aux caractères cyrilliques ; il paraît
que Coney Island survit grâce aux immigrants
russes. Sur notre chemin de retour vers le métro,
nous passons une bicoque dans laquelle on peut
rencontrer la véritable femme-serpent, avec
illustrations à l'appui. Un type surgit et tente de
nous y conduire, mais non merci, vraiment.