Jour 10
08/08/08 17:54
Mon
pélerinage quotidien et matinal s’avère décidément
une prodigieuse source d’observations nouvelles et
fondamentales sur la vie, l’être humain, et
l’expansion de l’univers. Ce matin par exemple,
m’extrayant du Révélateur d’Emotions Redondantes et
gravissant les escaliers du paradis, je me suis
aperçu que c’était au moins la cinquième fois, sur à
peu près dix, que je me trouvais exactement à la
suite de ce type optant comme moi pour la voie
douloureuse et fière, la voie de ceux qui dédaignent
l’escalator pour les escaliers, la voie de ceux qui
regardent en face le cancer de la rotule, et si j’ai
réalisé que c’était la cinquième fois au moins c’est
parce qu’il est reconnaissable entre tous.
Ce type est une incarnation corporate de quelque créature qu’aurait pu halluciner Tim Burton, après une surdose de champignons. Il est très grand très maigre et très chauve, tête luisante et ronde, trimballe sur l’épaule gauche une sacoche de cuir volumineuse et lourde qui le gêne et déséquilibre gravement sa fragile structure squelettique, et un costume-cravate anthracite à l’évidence trop court au niveau des jambes du pantalon, mais peut-être n’est-ce là qu’un effet de l’ascension, et par-dessus tout une silhouette repérable d’autant plus facilement que l’homme semble poser ses pieds sur les marches en diagonale, en-dedans, ainsi qu’une espèce de grand canard difforme, ce qui l’oblige à plier les genoux selon un angle surprenant — un réel courage, quand on songe qu’il parviendrait à camoufler cette ambulation spectaculaire en restant immobile sur l’escalator, comme tant de veaux — et à part ça, un visage écarquillé, figé derrière une paire de lunettes petites et rondes.
Toujours accompagné sur les escaliers par une femme entre deux ou trois âges, sac à main, chaussures à talon réglementaires, figure tolérante, superficielle et fatiguée de vieille collègue, ou peut-être est-ce sa mère, toujours est-il qu'elle ne lui tient pas la main MAIS ! elle marche un peu au-devant de lui avec la main du bras qui tient son sac à main curieusement tordue vers l'arrière, tous doigts tendus, comme si elle lui tendait inconsciemment la main de manière maladroite et crispée, comme pour lui donner courage et lui signifier qu'elle était là, avec lui, et que bientôt ils seraient au bout, bientôt ils toucheraient au but, ils toucheraient au bureau.
Le plus intéressant dans l'histoire étant que ces deux personnages prennent sans doute chaque matin l'exact même Reptile que moi, celui qui arrive à Châtelet à 7h34 précises, celui que d'ailleurs je risque de ne plus voir que de temps à autre à l'avenir, ayant finalement remarqué que mes collègues arrivent dans leur grande majorité avec 15 à 90 minutes de retard au bureau, d'où mes légitimes interrogations sur la pertinence de ma matinale ponctualité.
Chaque matin. Depuis combien d'années ?
Ce type est une incarnation corporate de quelque créature qu’aurait pu halluciner Tim Burton, après une surdose de champignons. Il est très grand très maigre et très chauve, tête luisante et ronde, trimballe sur l’épaule gauche une sacoche de cuir volumineuse et lourde qui le gêne et déséquilibre gravement sa fragile structure squelettique, et un costume-cravate anthracite à l’évidence trop court au niveau des jambes du pantalon, mais peut-être n’est-ce là qu’un effet de l’ascension, et par-dessus tout une silhouette repérable d’autant plus facilement que l’homme semble poser ses pieds sur les marches en diagonale, en-dedans, ainsi qu’une espèce de grand canard difforme, ce qui l’oblige à plier les genoux selon un angle surprenant — un réel courage, quand on songe qu’il parviendrait à camoufler cette ambulation spectaculaire en restant immobile sur l’escalator, comme tant de veaux — et à part ça, un visage écarquillé, figé derrière une paire de lunettes petites et rondes.
Toujours accompagné sur les escaliers par une femme entre deux ou trois âges, sac à main, chaussures à talon réglementaires, figure tolérante, superficielle et fatiguée de vieille collègue, ou peut-être est-ce sa mère, toujours est-il qu'elle ne lui tient pas la main MAIS ! elle marche un peu au-devant de lui avec la main du bras qui tient son sac à main curieusement tordue vers l'arrière, tous doigts tendus, comme si elle lui tendait inconsciemment la main de manière maladroite et crispée, comme pour lui donner courage et lui signifier qu'elle était là, avec lui, et que bientôt ils seraient au bout, bientôt ils toucheraient au but, ils toucheraient au bureau.
Le plus intéressant dans l'histoire étant que ces deux personnages prennent sans doute chaque matin l'exact même Reptile que moi, celui qui arrive à Châtelet à 7h34 précises, celui que d'ailleurs je risque de ne plus voir que de temps à autre à l'avenir, ayant finalement remarqué que mes collègues arrivent dans leur grande majorité avec 15 à 90 minutes de retard au bureau, d'où mes légitimes interrogations sur la pertinence de ma matinale ponctualité.
Chaque matin. Depuis combien d'années ?