Réveil douloureux ce matin. Muscles des globes
oculaires épuisés. J’ai dû rêver trop fort.
« Deux destins contrariés ». Comprendre :
les deux malheureux patrons d’une gigantesque
entreprise de télécommunication française se voient
forcés de démissionner, suite à de mauvais résultats
financiers. Un homme et une femme. Sur la première
photo que je vois d’eux ils posent de profil, l’air
dynamique et juvénile ; sur celle de la page
suivante, je comprends que c’était à cause de la
mauvaise qualité de l’impression. En vérité ils sont
vieux et moches, ridés, permanentés, amidonnés, comme
il se doit. Ils ouvrent de grands yeux tristes sur la
brutalité du monde : eux qui se sont livrés corps et
âme à l’Entreprise, les voilà jetés comme des
malpropres. Encore heureux que Serge et Patricia
aient chacun obtenu, pour leur départ, une « prime »
qui – on l’espère pour eux – devrait leur permettre
de s’acheter des yaourts de temps en temps chez
Leader Price : respectivement 5.6 et 5 millions
d’euros.
Mais le plus beau, c’est que ces primes représentent
« deux années de salaires fixes et variables
». Ça ne vous fait pas rêver, l’idée d’un
salaire à la fois fixe et variable ? Comme un soleil
noir. Un Tibet libre. Un politicien vertueux. Comme
ça doit être beau, un salaire fixe et variable.
* reflets brillants sur
la toile
mordorée d'un parachute,
lentement à la dérive,
dans l’atmosphère jaunâtre
et le doux carboné monoxyde
de la Défense *
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La machine à café. Evidemment. Oui, je vais parler de
la machine à café, j’irai jusque-là. A droite de la
machine à café, ou plutôt à gauche de la machine à
café depuis le point de vue de la machine à café, il
y a la vitre, et derrière la vitre il y a le vide,
l’extérieur, le dehors, le reste. Et sur la vitre, de
petites marques de sébum rondes à différentes
hauteurs, à l’endroit où les gens se sont appuyés le
front, ou le nez. Pour regarder ailleurs.