气味 • L’Odeur

China posté le 14.01.2013

Terminal 3, Capital Airport de Pékin. Arrivée du vol Varsovie-Pékin.

Cela m’est déjà arrivé auparavant, à mes retours d’Europe par voie aérienne ; mais c’est une surprise toujours renouvelée.

Premiers pas au-dehors de l’atmosphère pressurisée de l’avion, dans le conduit ombilical relié au terminal — et immédiatement, l’odeur de Pékin l’hiver, odeur de la Chine d’aujourd’hui — ciment charbon pétrole consummé, odeur grésillante qui tout à coup assèche les narines — on les sent devenir Gobi pollué — ce parfum morne et tristement poivré comme farine de piment calcinée, odeur proche par sa ranceur de celle du linge plusieurs jours porté en voyage et dormi dedans — en un instant cette odieuse sensation du poison qui s’insinue dans les poumons — et dans le vaste espace de cathédrale moderne et grise et absolument sépulcrale de l’aérogare, à l’intérieur même l’air est trouble, vicié, poussières en suspension, nulle part on n’est à l’abri.

Dès ce premier pas en-dehors de l’avion, on crache de la buée blanche ; dès ce premier pas l’air pique les poumons — et l’on tousse.

Et de nouveau on s’interroge sur ce qui nous retient ici, au juste, qu’est-ce qui nous fait quitter l’air de la terre natale et les radieux soleils de Provence pour REVENIR… Et l’on évalue les années, les amis, les amours ; et l’on examine les projets, les lointaines ambitions, les illusions moribondes. Et de nouveau, la question lancinante : 犯得着吗?

Deux ex machina — par bonheur on a sur soi un appareil à musique, et dans ses entrailles la musique de Sigur Rós, et soudain rédemption, de l’air du béton et du gros soleil rouge et vain qui se lève derrière les nuages toxiques — les questions demeurent suspendues dans leur éther insondable, au moins le chant frêle et outremondien venu d’Islande vient-il faire résonner la pauvre réalité d’harmonies salvatrices — promesses d’oxygène futur ?

 
Et puis, et puis, on a récupéré ses bagages, et on a la satisfaction de sentir peser sur ses épaules 30kg de sacs petits et gros, poids équilibré qui ne freine pas la marche, concentré de vie mobile, et on ne peut s’empêcher de sourire sous la pression familière, rassurante, de ce poids qui porte aussi le nom de liberté.

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