2 – L’embauche

China, 工作 posté le 22.07.2012

J’ai été recruté en tant que traducteur chinois-anglais, et anglais-français.

Il y a trois semaines, écumant les offres d’emploi postées sur le site du principal magazine d’expatriés de la ville, je suis tombé sur celle de YY. Ou plutôt, sur la dizaine d’offres postées par quelque employée du pôle des ressources humaines, à l’évidence désespérée de trouver des traducteurs.

Sans doute afin de recevoir le nombre maximal de candidatures sans laisser transparaître les signes de cette anxiété, la responsable en question s’est ingéniée à poster peu ou prou la même annonce sur le site, à courts intervalles de temps, sous différents pseudonymes et en modifiant légèrement le texte de son message ; ne m’en apercevant pas tout d’abord, comme je bombardais allègrement de mon CV la moindre annonce susceptible de déboucher sur un revenu, accompagné d’un message copié-collé presque toujours identique, j’ai de ce fait contacté à deux reprises en une même soirée la responsable du pôle des ressources humaines, répondant d’un même message à deux annonces en apparence différentes…

Elle n’a pas semblé s’en formaliser, puisqu’elle m’a convié au bureau pour passer les tests d’aptitude dès le lendemain. Peut-être même a-t-elle reconnu en moi quelque frère spirituel du travail de fainéant à la chaîne.

 

Le jour suivant, je me suis donc rendu au YY Software Park pour la première fois, vêtu de mon proverbial costume-cravate, au cours d’un voyage qui m’a ouvert de nouveaux horizons accablés au sujet du réseau des transports en commun de Pékin.

On m’a assis à une table, en compagnie d’un stylo et d’une feuille de papier sur laquelle figurait une liste d’expressions à traduire, du chinois à l’anglais et de l’anglais au chinois. J’ai alors découvert, d’une part, que je n’avais pas écrit de caractères chinois à la main, sur du papier, sans l’assistance phonétique d’un ordinateur ou téléphone mobile, depuis trois ou quatre ans – au bas mot – et d’autre part, que je ne connaissais rien au vocabulaire des interfaces utilisateurs des logiciels chinois de gestion d’entreprise (c’est étrange comme la vie peut vous mettre soudain face à des suites de mots telles que « BOM Pegging Print Template – Single Level », ou encore « WIP Matl Count Sheet Closing Status Update », sans le moindre signe avant-coureur).

Au vu de l’évidente médiocrité de ma prestation au cours de cette longue, longue demi-heure de sudation en costume-cravate, il pourrait sembler effarant, voire suspect, que Jim le manager ait décidé ce même jour de m’embaucher. Mais la logique décisionnelle des compagnies chinoises est d’une opacité qui en remontrerait à la pythie de Delphes. Et, surtout, YY a vraiment besoin de traducteurs.

 

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